À propos d’une carte sur la population italienne en Suisse : 2e partie

Cet article s’inscrit dans la suite d’un premier article consacré à la cartographie des personnes de nationalité italienne en Suisse. Ce premier article met notamment en perspective le fait qu’il faut, lorsqu’on cartographie la catégorie « nationalité », prendre un certain recul pour clarifier les choses. Particulièrement, il faut prendre en compte le fait que les critères d’admission à la nationalité suisse sont parmi les plus sévères d’Europe, ce qui contribue à « artificiellement » gonfler le nombre d’étrangers en général, et d’italien.ne.s en particulier, dans les statistiques. De même, et à l’inverse, la catégorie statistique « nationalité » ne prend pas en compte le fait que certaines personnes sont comptées comme suisse numériquement, alors qu’elles peuvent aussi revendiquer une identité et une filiation italienne : on peut penser aux doubles-nationaux qui n’apparaissent pas dans les statistiques par exemple. 

De manière générale, le simple fait que la Suisse se soit « spécialisée » dans les statistiques nationalité, à tous les niveaux institutionnels (communes, cantons, Confédération ») doit nous alerter parce que cela dit quelque chose de la nature de la relation que la Suisse entretien avec la « question étrangère ». Les statistiques officielles s’étant historiquement constituées comme des moyens de contrôles et de domination des territoires et des populations, on s’apercevra vite que l’équation statistiques + étrangers renvoie à des pratiques de contrôle social et de domination sur lesquelles l’auteur de ces lignes reviendra plus longuement dans un autre article. Pour le dire de façon brève : on ne compte pas les étrangers de manière innocente. On ne les cartographie pas de manière innocente non plus. 

Quoi qu’il en soit, cet article vise à expliciter la démarche de construction progressive d’une carte des personnes de nationalité italienne en Suisse. 

La première carte que j’ai produite fut celle-ci : 

Toute une série de critiques portant sur le titre, la nature des données, etc, sont déjà présente dans le premier article déjà mentionné. Je ne reviens pas dessus ici. Ici la critique sera de nature sémiologique : l’échelle retenue et travaillée manuellement a pour conséquence que la Suisse semble littéralement recouverte de vert. La taille des cercles ne permet pas une analyse fine de la répartition. Ce premier essai visait à contrer un autre problème : comme représenter de manière adéquate le poids réel des personnes de nationalité italienne ? En tout celles et ceux-ci forment 3.7 % de la population en Suisse. Donc ma première idée fut d’établir la taille des cercles en fonction du total de la population vivant en Suisse. Mais en procédant de la sorte, la taille des cercles liés à la population italienne était devenue si petite que la carte était difficilement lisible en tant que message. Ici une carte avec le total de la population, et avec la même échelle pour les cercles proportionnels à la population, une carte avec la représentation de la population de nationalité italienne : 

Ni la première carte, qui submerge la Suisse de rond vert, ni la seconde, qui est illisible pour les petites unités, ne me paraissait satisfaisante. Encore les deux cartes ci-dessus ont au moins le mérite de permettre la comparaison entre la population totale et la population de nationalité italienne sur la base d’une même échelle graphique. 

La solution retenue, qui est une parmi d’autre, a été de baser l’échelle des cercles proportionnels par rapport à la ville qui accueille la communauté étrangère la plus importante (peu importe laquelle). Et la réalité fait que c’est la ville de Zürich qui accueille la communauté étrangère la plus nombreuse : 31 500 personnes de nationalités allemandes. En procédant de la sorte, il y a en effet moyen de pouvoir cartographier les principales communautés de nationalités étrangères avec une même échelle, et de pouvoir faire ainsi des comparaisons intéressantes quant à leurs spatialisations en Suisse.  Ici, la carte de base concernant les personnes de nationalité allemande, et une carte des personnes de nationalité italienne avec les mêmes critères de symbologie : 

L’utilisation des mêmes critères d’échelle garantit la possibilité de pouvoir comparer la localisation des deux populations sur une basse commune. L’échelle utilisée (surface proportionnelle au nombre de personnes représentées) permet aussi de bien faire apparaitre les différences et les poids relatifs des villes, des villages, etc. La sémiologie n’est ni trop envahissante, ni trop illisible car trop petite. 

Si ces cartes permettent de localiser le nombre absolu de personnes concernées, et donc de dire que Zürich est à la fois la plus grande ville allemande et la plus grande ville italienne, elles ne permettent pas dire quelles sont les villes ou les communes qui ont le plus haut taux d’italiens ou d’allemands en termes de pourcentage de la population. Pour ce faire, il faut ajouter une seconde variable, qui apparaitra sous forme de couleur et qui permettra d’évaluer l’importance relative des communautés de nationalité étrangère. Ce qui donne :