Récemment, une pétition a été remise aux autorités lausannoises afin de mettre en lumière l’insécurité croissante ressentie par les piétons face aux…. vélos. 1209 signataires qui se retrouvaient notamment dans ces termes :
« Les piétons Lausannois sont en colère de voir que leurs trottoirs et espaces piétonniers ne sont pas protégés face à la déferlante des vélos conventionnels et électriques, trottinettes électriques, rollers, skates et autres engins tels que les« segways » mettant en danger la sécurité des piétons ! Nous sommes la plus ancienne mobilité douce de notre histoire et la plus écologique.«
Il semble que, notamment, nombre de personnes âgées se retrouvent dans ce sentiment d’insécurité lié à la « confrontation » de différents modes de déplacements sur les trottoirs et autres rues piétonnes. Cela fait sens si l’on considère que la première cause d’insécurité des séniors est justement reliée à la peur de se faire bousculer et de tomber, bien avant la peur de la « criminalité ».
Quoi qu’il en soit, l’auteur de ces lignes s’est demandé ce que disent les statistiques sur les accidents de la route à propos de la dangerosité, pour les piétons, des différents moyens de transports (voitures et véhicules motorisés, vélos et motocycles). Il se trouve que les bases de données de la Confédération, et plus particulièrement de l’OFROU (Office fédéral des routes) permet de pouvoir retracer dans le temps les accidents : dates, moyens de transports impliqués, blessures légères ou graves, décès, etc. A partir de ces données, on peut géolocaliser les lieux des accidents, et les classer par types.
L’exercice concernant la zone centrale de l’agglomération lausannoise (approximativement une zone allant de Renens à Pully, et du lac à Epalinges) permet de citer quelques chiffres. Ainsi entre 2011 et 2022 :
725 accidents ont impliqué des piétons et des voitures
44 accidents ont impliqué des piétons et des motocycles
54 accidents ont impliqué des piétons et des vélos
Il convient évidemment de préciser qu’il s’agit uniquement des accidents répertoriés par la police et ayant donné lieu à un PVA (procès-verbal d’accident). De même, ne sont pris en compte que les accidents ayant pour résultat soit des blessures (légères et graves), soit des décès, ce qui exclut évidemment les micro-agressions et les peurs ressenties, les petites collisions sans gravité, etc.
Les animations et cartes suivantes permettent de retracer une décennie d’accidents touchant les piétons dans le centre de l’agglomération lausannoise ; succinctement, on peut dire que par rapport aux accidents, très peu nombreux, impliquant des vélos, il n’y a de loin pas une sur-représentation des accidents dans les zones dites « piétonnes ». On ne constate pas non plus une hausse des cas au fil des années. Ces chiffres et ces cartes ne visent pas à nier le problème de la cohabitation entre cyclistes et piétons ; des solutions doivent être trouvées pour que chacun et chacune puisse avoir un accès sécurisé à l’espace public. ll n’empêche : quiconque a pour objectif la sécurisation des espaces publics pour les piétons devrait méditer ces chiffres et ces cartes : l’ennemi, ce n’est fondamentalement pas le cycliste, ni en termes de nombre d’accidents, ni en termes de gravité des blessures ; c’est la voiture, tout simplement. C’est bel est bien par une réduction du trafic, de la vitesse de ce dernier, et par des luttes pour reconquérir des espaces qui autrefois étaient piétons, que l’on pourra aménager la ville de telle manière à ce que l’insécurité ressentie des piétons (notamment âgés) puisse s’atténuer, voir prendre fin. Cela passe par une redéfinition radicale des espaces publics de circulation et des modes de déplacements. Bref, cela passe par la fin de la motorisation individuelle.
